Droits des malades et qualite du système de santé
Indemnisation des victimes d'Hépatite "C" post-transfusionnelle
Evolution de la procédure
On estime donc à 300 000 le nombre de personnes atteintes d'une hépatite C suite à une contamination par transfusion sanguine avant 1990.
En l'absence de Fonds d'Indemnisation identique à celui créé pour le Sida, les victimes d'Hépatite C post transfusionnelle n'avaient pour seul recours, pour obtenir une indemnisation, que d'engager une procédure contre les Centres de Transfusion Sanguine responsables de la fourniture de produits contaminés, aujourd'hui regroupés au sein d'une seule et même structure, l'E.F.S. (Établissement Français du Sang)
L'association
"Maison des Victimes" s'occupe de l'indemnisation des victimes d'Hépatite C post transfusionnelle depuis 2001.
Au début, certains experts judiciaires désignés par les Tribunaux n'avaient qu'une connaissance vague de la maladie et les réunions d'expertise ne manquaient pas d'imprévus.
Depuis, grâce à une meilleure connaissance de la maladie, de ses différents modes de transmission, de son évolution et de son traitement, l'indemnisation des victimes ne ressemble plus au parcours du combattant.
Le lien de causalité entre l'apparition d'une Hépatite C et des transfusions sanguines, en l'absence d'autres facteurs de risques évidents (toxicomanie, acupuncture, interventions chirurgicales à risque) apparaît hautement probable pour de nombreux experts judiciaires.
Nous avons défendu pendant plusieurs années ce que nous appelions le "
préjudice moral spécifique de l'Hépatite C" c'est à dire l'atteinte psychologique et morale que représente le fait de se savoir contaminé, même en l'absence de toute manifestation physique de la maladie.
Outre le préjudice moral spécifique, de nombreux autres préjudices (I.P.P., Pretium Doloris prenant en compte le traitement, les hospitalisations et les biopsies du foie, le Préjudice d'Agrément prenant aussi en compte la fatigue) sont évalués et permettent des indemnisations importantes (180 000 € à PARIS, 245 000 € à STRASBOURG).
Jusqu'ici, en France, c'était à la victime d'une Hépatite C post transfusionnelle d'engager une procédure contre l'Établissement Français du Sang qui a fourni les produits sanguins responsables de sa contamination.
Il fallait donc faire l'avance des frais d'avocats et des honoraires de l'expert judiciaire et faire la preuve que le sang qui a été fourni par l'E.F.S. (Établissement Français du Sang, ancien C.R.T.S. ou Centres Régionaux de Transfusion Sanguine) était bien contaminé.
Grâce aux très nombreuses procédures que nous avons initiées dans toute la France, les jurisprudences administrative et judiciaire ont progressivement adapté le régime de la preuve par la reconnaissance d'une certaine présomption de contamination.
Désormais, une procédure de demande d'indemnisation est possible auprès de l'ONIAM.
Le renversement de la charge de la preuve
L'
article 102 de la loi sur les Droits des Malades et la Qualité du Système de Santé (Loi Kouchner) a joué un rôle très important dans l'indemnisation des victimes.
Article 102
En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui laisse supposer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de cette contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Le doute profite au demandeur.
Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable.
Ce renversement de la charge de la preuve contenu dans cet article a considérablement aidé les victimes.
En effet, les personnes contaminées par le virus C à la suite d'une transfusion sanguine l'ont été pour la plupart à une date ancienne ( avant 1990 ) et rencontrent, de ce fait, des difficultés pour prouver que leur contamination est imputable à la transfusion.
L'
article 102 de cette loi introduit une présomption de lien de causalité entre une contamination par le virus de l'hépatite C et une transfusion sanguine ou une injection de produits dérivés du sang .
C'est maintenant à la partie défenderesse, c'est à dire l'Établissement Français du Sang (E.F.S.), à prouver que les produits sanguins que l'ex C.R.T.S. a fourni ne sont pas à l'origine de la contamination.
Ce n'est plus à la victime d'une hépatite C post transfusionnelle de prouver que le sang ou les produits sanguins fournis par l'ex C.R.T.S. étaient porteurs du virus C, mais à l'Établissement Français du Sang (E.F.S.) de faire la preuve que les produits n'étaient pas contaminés.
Cependant, le Conseil d'État, par une décision du 20 février 2008, est venu limiter le champ d'application de l'article 102 de la Loi Kouchner.
En effet, le Conseil d'État a considéré que la présomption d'imputabilité transfusionnelle ne concernait pas l'existence même de la transfusion.
La preuve de cell-ci devant être établie par la victime elle-même.
Il est donc indispensable que la victime soit en possession d'un des documents attestant de la réalité des transfusions des produits sanguins ou labiles.
Le doute doit bénéficier à la victime
Pour rechercher le lien de causalité entre les transfusions sanguines et l'apparition de l'hépatite C chez la victime, l'Établissement Français du Sang (E.F.S.) va réaliser une enquête transfusionnelle.
C'est à dire que l'Établissement Français du Sang (E.F.S.) va rechercher tous les donneurs correspondants aux différents produits sanguins qui vous ont été administrés.
Cette recherche va se révéler souvent fastidieuse, car, d'une part certains donneurs peuvent avoir changé d'adresse, être décédés et d'autre part ne pas vouloir répondre à la convocation de l'Établissement Français du Sang (E.F.S.) ( ce qui est parfaitement leur droit ).
Les donneurs qui vont répondre à la convocation de l'Établissement Français du Sang (E.F.S.) feront l'objet d'un test de dépistage de l'hépatite C.
Trois éventualités peuvent se produire :
- tous les donneurs sont retrouvés et testés négatifs : votre contamination n'est pas transfusionnelle
- un donneur est testé HCV positif : votre contamination transfusionnelle est hautement probable
- une partie seulement des donneurs a été retrouvée et les donneurs sont négatifs : le doute doit maintenant profiter à la victime et la présomption de contamination par transfusion doit être reconnue.
Indemnisation des victimes d'hépatite post transfusionnelle par l'ONIAM
Dans la loi du 17 décembre 2008 (N° 2008-1330 ) sur le financement de la sécurité sociale, il est prévu l'indemnisation des victimes d'Hépatite post transfusionnelle par l'
Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux (O.N.I.A.M.).
Cette loi précise «
dans leur demande d'indemnisation, les victimes ou leurs ayants droit doivent justifier de l'atteinte par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou d'une injection de médicaments dérivés du sang.
L'O.N.I.A.M. recherche les circonstances de la contamination, notamment dans les conditions de l'article 102 de la loi N° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux " Droits des malades et à la qualité du système de santé ".
L'offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis du fait de la contamination est faite à la victime dans un délai de 6 mois, à compter du jour où l'O.N.I.A.M. reçoit la justification complète des préjudices ».
Ce qui veut dire, qu'
à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi (il faut attendre la publication des décrets d'application, dont on ne connaît pas la date à ce jour) les victimes d'Hépatite C post transfusionnelle n'auront plus à engager une procédure contre l'Etablissement Français du Sang, devant le Tribunal Administratif, pour obtenir une indemnisation.
La victime d'une hépatite C post transfusionnelle peut donc
saisir l'O.N.I.A.M. à condition de pouvoir justifier :
- d'une atteinte par le VHC,
- de transfusions de produits sanguins ou d'injections de médicaments dérivés du sang.
L'O.N.I.A.M. recherchera ensuite les circonstances de la contamination :
- Si la demande est recevable, l'O.N.I.A.M. devra faire une offre dans un délai de 6 mois.
- Si la demande d'indemnisation est rejetée, ou si aucune offre n'a été présentée dans un délai de 6 mois, ou si l'offre présentée par l'O.N.I.A.M. est jugée insuffisante par la victime, elle pourra toujours engager une action en justice contre l'O.N.I.A.M. devant les juridictions administratives.